[PREVENTION] Prostitution et pornographie, main dans la main
Parler du lien entre pornographie et prostitution est un sujet tabou que la société fuit comme la peste. En plus des implications sociales, il s’agit pourtant là d’un problème de santé sérieux pour tous les concernés. C’est aussi un exemple clair d’inégalités sociales, de l’inégalité hommes / femmes et de la mauvaise utilisation du pouvoir de la part de certains hommes.
La prostitution et la pornographie étaient depuis toujours présentes dans la société : exclusivement clandestines, destinées aux hommes uniquement mais aussi aux jeunes (hommes) voulant passer à l’âge adulte, tel un rite d’initiation. La prostitution était cachée dans les maisons closes, pendant que la pornographie petit à petit fut permise dans certains cinémas, dans les revues X et les vidéos louées aux vidéoclubs ou achetées dans les stations services. Ceux qui avaient Canal + faisaient partie des privilégiés.
Mais au XXième siècle, l’histoire a changé. Internet a apporté la pornographie jusque chez nous. Et depuis près de dix ans, nous constatons aussi que les patrons de ces activités s’adaptent en permanence. Une bonne partie de la prostitution - chez les plus pauvres, car ici les classes sociales sont un élément essentiel - est exhibée dans la rue, sur des panneaux publicitaires, avec la complicité d’Internet, vitrine efficace pour offrir des services de prostitution et en particulier de pornographie. (Les réseaux sociaux permettent de se promouvoir gratuitement…)
Nous avons vu aussi un changement dans les contenus de la pornographie : elle s’est adaptée face à la pression sociale et politique tel un caméléon, produisant des millions de vidéos de porno féministe, de porno éducatif, etc. où la femme active est protagoniste. Différentes contributions au sein du discours féministe, n’hésitent pas à associer la pornographie avec la prostitution et avec la violence de genres, même si d’autres considèrent qu’il s’agit de violence envers les femmes.
Pour Déclic, la pornographie est la théorie et la prostitution en est la pratique. Généralement avant d’entrer dans le sas du monde de la prostitution, les hommes s’éduquent à travers la pornographie. Or, si l’on consomme les deux ensemble, le risque de commettre de la violence de genre est beaucoup plus élevé. Il y a un vrai enjeu ici de sensibilisation pour éviter certaines violences conjugales : la plupart des clients de la prostitution sont en couple (épouse, copine, conjointe)... Paula Esteban (2015) signale que « que tous les hommes qui ont infligé ou infligent des violences aux femmes ont été éduqués à la pornographie mainstream ». La consommation de pornographie est considérée comme facteur de risque moyen.
Prévention auprès des jeunes
Il semblerait que de nos jours les jeunes n’utilisent pas les maisons closes comme « porte d’entrée au monde des adultes », mais s’y rendent plutôt en tant que clients habituels. Dans le documentaire espagnol El proxeneta (le proxénète) de Mabel Lozano, le protagoniste raconte avec détails la stratégie des bordels qui se dédient à offrir des services de prostitutions aux jeunes : leur donner la même chose que dans les discothèques avec, en prime, du vrai sexe. Un réel succès.
Dans une dynamique de prévention, il conviendrait de prendre en compte que de nombreux jeunes hommes semblent être de grands consommateurs de porno et clients de prostitution en même temps. Cet aspect est d’ailleurs un motif de remise en question pour une bonne partie des personnes qui assistent à nos conférences lorsque nous dévoilons la cruelle réalité. Nous considérons que l’éducation est un élément clef pour éviter les risques. En effet, l’éducation affective et sexuelle est l’occasion de dire et redire aux élèves ou enfants les conséquences du visionnage de films pornographiques, mais aussi et surtout l’occasion de transmettre que l’affect, le désir, la tendresse, le respect et le consentement mutuel doivent faire partie des relations sexuelles entre les personnes, valeurs totalement absentes dans le porno et la prostitution.