[BUSINESS] Onlyfans, ou l’Instagram du sexe
Avec aujourd’hui plus de 130 millions d’utilisateurs et plus de 2 millions de créateurs de contenu, la plateforme Onlyfans, originellement créée en 216 pour permettre aux artistes de vendre en exclusivité des photos et vidéos en échange d’un abonnement, semble prendre une toute autre tournure dans son activité, posant problèmes d’éthique et de sécurité.
Si à ses débuts on pouvait y retrouver essentiellement des musiciens et chanteurs proposant à leurs fans des concerts privés ou encore des extraits de nouvelles musiques, la plateforme s’est rapidement fait repérer par les travailleurs du sexe pour proposer du contenu érotique et sexy… voire pornographique. De fait, la vente et la consommation de contenu à caractère sexuel est tel qu’elles représentent l’essentiel des activités de la plateforme.
On expliquerait ce phénomène par le rachat en 2018 à 75% du groupe propriétaire de Onlyfans (Fenix international Limited) par Leonid Radvinsky, fondateur du site de webcams MyFreeCams, également connu pour ses activités à caractère sexuel et pornographique. À partir de ce moment, Onlyfans devient un lieu propice au développement et au stockage de contenu sexuel explicite.
Une histoire en montagnes russes
Durant la pandémie, beaucoup d’intermittents du spectacle, d’acteurs, d’artistes et travailleurs du sexe se sont retrouvés dans l’incapacité d’exercer leurs activités. C’est lors que la plateforme Onlyfans est devenu très attirante car représentait une source de revenu très simple et rapide, la majorité des gens étant enfermés et prêts à payer pour obtenir du contenu exclusif et plus divertissant. À ce moment là, on estimait même une augmentation de 75% des inscriptions.
Cependant, après sa montée en popularité, la plateforme décide de changer sa politique d’utilisation, à la plus grande frayeur des créateurs de contenu. Elle annonce en août 2021 d’interdire « la publication de tout contenu contenant un comportement sexuellement explicite ». La raison est simple : chaque jour, la plateforme fait bouger d’énormes sommes d’argent et il va sans dire que les transactions liées à la pornographie représentent un risque de fraude plus élevé et que ces activités peuvent endommager l’image des banques et fournisseurs de paiement. On notera par ailleurs que fin 2020, Visa et Mastercard avaient déjà coupé leurs liens avec le géant Pornhub, après avoir été accusé d’avoir laissé en ligne de nombreuses vidéos pédopornographiques ou de viols.
Seulement, le sexe vend : en 2020 OnlyFans avait fait 2,2 milliards de dollars de chiffre d’affaire et avait atteint les 12,5 milliards de dollars en 2021, principalement grâce à tous ses créateurs de contenu explicite. C’est alors une semaine après de son annonce que Onlyfans décide de revenir sur sa décision. Le réseau annonce sur Twitter avoir « l’assurance des partenaires bancaires pour soutenir tous les genres de créateurs et favoriser l’inclusion ».
Les dessous d’OnlyFans
Lorsqu’une plateforme possède autant de visiteurs et de créateurs de contenu, on peut se demander ce qu’il en est de la question de la protection des utilisateurs.
En effet, il existe peu de contrôle au niveau de l’inscription ; le paiement d’abonnement est simple et très ludique pour n’importe quelle personne, même les enfants. Bien qu’il existe des moyens de vérification de majorité (attestation sur l’honneur ou encore un système de comparaison entre sa carte d’identité et un selfie), ces mesures restent insuffisantes et contournables. De plus, il n’existe pas de vérification sur les données bancaires communiquées et l’identité de l’utilisateur. Il est alors possible pour un mineur d’utiliser la carte d’un majeur et de bénéficier d’un compte Onlyfans pour publier ou visionner ce qu’il veut. Les plus jeunes sont alors sujets à être exposés à du contenu sexuel choquant duquel ils pourront garder des séquelles mais aussi à des personnes malveillantes et prédateurs sexuels.
Le contenu, lui, est aussi victime du manque de protection de la plate-forme : à défaut de proposer du contenu explicite, les créateurs ne sont pas pour autant à l’abris de revengeporn (1), screenshot (2) ou de leak (3) comme lors du 27 février 2020, où des liens vers des dépôts de plusieurs téraoctets de données ont fuité sur les réseaux sociaux et les forums.
Il est également important de souligner que comme toute plate-forme sociale, Onlyfans a tendance à augmenter les sentiments de narcissisme, d’exhibitionnisme, et paradoxalement, de manque de confiance en soi. Le désir de recevoir des réactions positives des autres peut devenir si fort chez les utilisateurs qu’il pourra mener à des sentiments dépressifs et des altercations de comportements. Une personne jeune et fragile pourra aller jusqu’à poster du contenu qui ne lui correspond pas juste pour obtenir approbation. Les conséquences sont réelles et irreversibles et le contrôle que l’on pense avoir reste souvent superficiel…
Mais alors, malgré la controverse, pourquoi Onlyfans fonctionne-t-il si bien ?
Le site est très simple d’accès et permet de tout trouver sans nécessairement faire d’effort ; le visiteur n’aura pas à faire tout le processus de séduction ou d'implication pour en venir à ses fins et arriver à satisfaction sexuelle. Le sexe virtuel implique beaucoup moins les émotions et donne la fausse image de protection. De l’autre côté, les créateurs de contenu s’y sentent à l’aise et sont leurs propres patrons. Même si la plateforme récupère un pourcentage sur le bénéfice généré, Onlyfans reste une manière simplifiée de faire de l’argent sous un rythme personnel choisi. Elle promeut la banalisation de la pornographie et l’objectivation des corps (et surtout ceux des femmes) et ce depuis le plus jeune âge mais tend aussi à laisser ses utilisateurs user leurs corps comme ils le souhaitent eux-mêmes.
Tout comme pour la pornographie, il est difficile de stopper ses créateurs et utilisateurs mais il s’agirait de déconstruire le mythe autour de la plateforme et de faire de la prévention quant à son utilisation, ses risques et l’aliénation qu’elle entraîne.
(1) ou pornodivulgation en français, désigne l’action de divulguer publiquement du contenu sexuellement explicite sans le consentement de la ou des personnes concerné.ées dans le but de se venger de ceux.elles-ci.
(2) capture d’écran
(3) fuite