[TEMOIGNAGE] "Avec ça, tu feras mieux ». L’overdose de Sabrina
Ce texte repose sur un film espagnol intitulé “Drogues et tournages porno” réalisé par Ismael Lopez, journaliste et chercheur espagnol, auteur du livre «Escúpelo » (« Crache-le » en français) qui porte sur l’industrie de la pornographie. Il s’est penché sur cette question de la drogue dans le porno parce qu’il a lui-même travaillé en tant que rédacteur en chef dans un magazine pornographique et a pu constater à quel point la consommation de drogues était très normalisée. Généralement, il s’agissait de drogues à effet anxiolytique, hypnotique ou sédatif telles que l’héroïne ou les benzodiazépines, même s’il pouvait y avoir aussi des drogues stimulantes telles que la cocaïne et les amphétamines. Il raconte par exemple, qu’au cours de cette période de travail dans la revue porno -vers fin 2015- il a pu échanger avec de nombreuses actrices porno professionnelles. Il se souvient d’un message WhatsApp d’une d’entre elles qui était allée à Budapest pour enregistrer une saison de porno. Elle lui disait : « Ils ont mis des caméras dans les vestiaires et les salles de bains. Je me demandais ce qu’ils voulaient enregistrer...Qu’est-ce qu’ils cherchaient ? Sûrement, ils voulaient voir comment on sniffait le rail de coke prévu ».
Sabrina, avec ça, tu feras mieux
Sabrina a été active depuis l’âge de 20 ans et n’a jamais cessé d’enregistrer du porno. En revanche, elle a choisi d’informer sur les abus qu’elle a subi au sein de l’industrie pornographique tout au long de sa carrière. Une grande partie du contenu de cet article provient d’informations qu’elle m’a transmises elle-même. Son nom n’est pas réel. Elle ne peut pas se permettre de donner son vrai nom, apparemment elle risque de fortes réprimandes au sein de l’industrie. Elle explique que cette forme de contrôle des producteurs porno est courante, elle a déjà subi des abus à cause de ce qu’elle a divulgué. Ils contrôlent ce qui est dit, et qui le dit.
Elle parle des drogues, et des manières dont ils l’ont forcé à se droguer. Elle n’a jamais été une consommatrice régulière de stupéfiants. En effet, elle a commencé à consommer des stupéfiants dans les tournages porno, suite à ce que les sociétés de production ou les acteurs lui aient proposé afin d’être plus performante lors des enregistrements. Mais quelles quelles conséquences risquait-elle si elle refusait ? Elle nous raconte qu’à nombreuses reprises elle était menacée de repartir chez elle sans recevoir sa paie. C’était la menace la plus efficace. Bien sûr, Sabrina n’est pas entrée dans le monde du porno par envie ni par plaisir, ni par une passion « artistique » ou « théâtrale », comme on dit mensongèrement souvent dans l’univers de la télévision. Elle est devenue actrice porno car elle avait de graves besoins économiques. Les producteurs profitaient de cette situation pour lui faire faire ce que l’entreprise attendait d’elle.
Autres que le chantage, quels autres moyens ou arguments ont-ils utilisé pour la convaincre ? Elle précise : « ils me disaient, si vous prenez cela, vous lâcherez prise pendant l’enregistrement et vous serez aussi plus ouverte aux pratiques sexuelles ». Ce phénomène s’appelle la soumission chimique : celle-ci implique l’administration d’une substance qui annule la volonté d’une personne afin de faciliter la réalisation de crimes, qu’il s’agisse d’agression sexuelle ou d’autre type d’infraction. En effet, elle raconte qu’elle a pu faire des choses qu’elle n’aurait jamais pu faire dans des conditions psychiques normales. Elle dit même que parfois elle s’est regardée dans ses propres films et qu’elle ne s’est pas reconnue. Malgré cela, elle n’a jamais osé porter plainte : « je suis convaincue que ça ne mènera à rien ».