[PREVENTION] La surexposition des enfants à la pornographie : "comme viol psychologique"
Le samedi 20 novembre est célébrée la Journée Internationale des droits de l’enfant. Une journée dédiée à promouvoir ces droits et les faire connaître de tous. À l’occasion de cette journée, Anne-Sixtine Pérardel tient à alerter et à informer sur les dangers de la surexposition des enfants à la pornographie. Un sujet encore peu abordé, bien que davantage présent dans la vie des enfants.
Par Anouk Thebaud, étudiante en journalisme au pôle Universitaire de Vichy (03), 10 décembre 2021
Anne-Sixtine Pérardel est la co-fondatrice de l’association Déclic – Sortir de la pornosphère. Cette association, créée en novembre 2020, vise à « sensibiliser, prévenir, soigner et former ». Le but ? Sensibiliser l’enfant sur la réalité de la pornographie et ses dangers et former l’adulte à l’accompagner pour prévenir des risques. Cette conseillère en vie affective et sexuelle répond aujourd’hui à mes questions pour lever un peu plus le tabou autour de la pornographie.
Aujourd’hui, selon un sondage de l’IFOP, au moins 6 enfants sur 10 ont déjà été confrontés à des images violentes ou pornographiques avant la fin du collège. Comment expliquez-vous une telle proportion ?
Anne-Sixtine Pérardel : Je pourrais l’expliquer par l’accès à des ordinateurs portables et à Internet, qui se fait de plus en plus tôt. Des élèves de CM2 ont aujourd’hui des smartphones avec des accès illimités à Internet, sans aucun filtre ! C’est un des pièges les plus flagrants.
Comment ces contenus pornographiques se retrouvent-ils accessibles aux enfants ?
A-S P : Il n’y a aucun contrôle sur ces contenus. Le seul contrôle qu’on vous demande pour accéder à certains sites pornographiques est de cocher une petite case pour confirmer que vous avez plus de 18 ans. N’importe qui peut le faire ! On constate que des vidéos peuvent être censurées sur Youtube pour les moins de 18 ans, quand on voit ce qui s’est passé pour la vidéo de campagne présidentielle d'Eric Zemmour : un contrôle d’identité par carte bancaire a été instauré. On voit que c’est possible, et pourtant rien n’est fait concernant la pornographie.
Quels sont les risques que représente cet accès à la pornographie ?
A-S P : Lorsqu’un enfant est confronté à des contenus pornographiques, cela peut s’apparenter à un abus, un viol psychologique. On peut parler de viol psychologique, car on retrouve dans certains témoignages d’enfants des paroles caractéristiques d’un traumatisme. « J’ai des images dans la tête dont je n’arrive pas à me séparer, je voudrais les oublier, mais je n’y arrive pas ». On constate également des problèmes d’insomnie chez les enfants. Leurs cerveaux sont comme pollués par la pornographie.
Il y a une violence, une sorte d’attaque intérieure face à la première consommation de pornographie. En effet, certains enfants vont être obligés de consommer à nouveau des contenus pornographiques pour essayer d’analyser ce qu’ils ont vu, car leur cerveau n’a pas réussi à traiter ces images violentes. Émotionnellement, ces enfants ont été très déstabilisés, très marqués psychologiquement, mais également physiquement. Cela peut être une érection pour les garçons et un sentiment d’humidité chez les filles. Ces enfants auront ressenti des sensations, mais ils n’auront simplement pas les mots pour savoir ce qu’il se passe en eux. Ils ne peuvent que constater leur corps réagir. La pornographie peut ainsi apparaître comme un remède et comme seule réponse à leurs interrogations. Parmi les conséquences, on retrouve l’addiction et la compulsion sexuelle.
Peut-il y avoir des séquelles sur la vie de l’enfant ?
A-S P : Oui, en effet. Selon un sondage de l’IFOP, environ 50 % des jeunes consommateurs de pornographie reproduisent dans leur sexualité les gestes qu’ils ont vus. Par exemple, dans l’une de mes dernières interventions dans un collège de banlieue parisienne, un jeune garçon de 3ème m’a dit : « vous dites que la violence ne fait pas partie du respect que l’on a dans la sexualité, mais certaines personnes trouvent du plaisir dans la violence. » C’est typiquement un discours qui appartient à la pornographie. Désormais, on constate des problèmes de violences conjugales chez les adolescents. Je fais vraiment le lien avec la pornographie, comme peut en témoigner ce que m’a dit cet élève de 3ème, un garçon parmi d’autres qui était capable d’affirmer que la violence pouvait faire plaisir. Il y a une inversion des valeurs, l’un des effets de la pornographie.
Comment les protéger de la pornographie sur Internet et les réseaux sociaux ?
A-S P : Je pense qu’il est nécessaire d’instaurer des filtres. C’est le minimum et cela n’est pas négociable. Ces filtres sont à mettre sur le téléphone, la télévision... Les contrôles parentaux existent, mais ne sont pas systématiquement actifs, donc c’est aux parents de le faire. Il est également nécessaire d’apporter à l’enfant un discours positif sur le corps, au moment de la puberté. En définissant le sens du corps, de la sexualité, de la fécondité et de la prévention des grossesses précoces, on permet à l’enfant d’avoir un point de référence constructif. Il va pouvoir analyser ce qui peut à l’inverse venir lui faire du mal, lui montrer une mauvaise image du corps, ou de la sexualité (domination, violence…). Malheureusement, les enfants, pour une grande partie d’entre eux, n’ont pas eu ce discours et ainsi, se basent sur les codes de la pornographie.